Les morceaux de coeur

    

Sur la route vers Pudahuel, d’où je prends mon avion, j’ai senti que quelques morceaux de mon coeur ce sont détachés au vol. C’est comme si je me réveillais d’un moment d’inconscience, mais en pleine conscience. La fin d’une aventure et le début d’un amour incondtionnel pour moi-même. En ce jour de pleine lune, je retourne au pays, pour entâmer le nouveau cycle de mon voyage, celui de mon existence.

Durant mon trajet d’avion, j’ai ressenti un vide. Mon identité chilienne devra continuer d’exister à travers la musique donné par un ami, les contacts avec les gens et la fin d’un projet de photos. Je n’arrive pas à sortir un seul mot d’anglais! J’ai été obligée de parler en espanol au douanier américain. Je suis impreignée. Ca me tue et ça me fait sourire à la fois. Je gère la nouvelle moi, bi-identitaire.

J’ai l’intention de me remplir de nouvelles choses, de ne pas laisser vivre ce vide. Il a façon de le rendre efficace, et plein de beauté. Observer notre réalité, comme un spectacle.

C’est avec le sentiment d’avoir une famille à 13h de chez moi, je me sens plus que jamais citoyenne du monde.

Buena onda.

Cerrar el circulo/ boucler la boucle

  Samedi le 25 juillet, c’est le soir de notre fête de départ. Je peux dire que mes émotions ne sont qu’amalgame. La tristesse de laisser les miens, et la joie de retrouver les miens. C’est probablement le plus beau et le plus difficile dans l’expérience c’est qu’on est tellement impreigner qu’on a la sensation juste d’appartenir à un nouveau monde, on devient des leurs. D’un autre côté ma famille, mes amis, mon amour sont le bonbon au bout de ce voyage de retour. J’ai le sentiment de devoir retourner dans un nouveau pays, devoir m’adapter à ma propre vie. L’expérience est à semi terminée, au fond 🙂 

Partager une famille, c’est aussi vivre le quotidien dans les heures qu’on prend le café, saisir les bonnes journées de un et les moins bonnes de l’autre, partager sa journée et même s’appuyer quand la peine envahi. Ce sont des discussions vécues avec des points de vue souvent différents, mais aussi le partage du respect qu’on se doit.
En tout, j’ai probablement 65 aurevoir à faire. Certains qu’on compte sur les doigts d’une main sont déchirants. Parce que tu as été un pilier dans la vie de quelqu’un, parce qu’un autre l’a été pour toi, parce que l’énergie passe et que tu ne sais pas pourquoi mais tu saisis. J’ai grandi au rythme de mes deux chatons adoptés. Maintenant, ils sont rendus à l’étape où ils délaissent le biberon et courent complètement partout. Moi aussi, je me retire le coeur mélangé dans ce tourbillon d’adieu, mais bien groundé tout de même. J’ai suivi chacune de mes valeurs, intuition, en étant de plus en plus alignée avec l’âme que je découvre. 

Je ne peux pas dire que je veux rentrer, je ne peux pas dire que je veux rester. Ce que je sais, c’est que j’suis énervée à me dire que peu importe le lieu ou je serai, j’profiterai au maximum des moments simples. Ça me rend heureuse de retrouver une liberté de continuer à construire mon chemin. La vie continue, mindfulness. 

Projet 5: les enfants de la rue

Hommage à de jeunes âmes    
Homaje a almas jovénes

 

Il serait facile de parler en faits saillants, de dire que toutes les jeunes filles sont enceintes à 15 ans et que vous vivez dans des conditions sans bon sens, sans adultes.

Par contre, ça ne signifierait aucunement de ce que vous m’avez apporté en tant que personne, en tant que petites âmes inspirantes.

Vous m’avez montré la force d’apprécier les gens qui m’appuient. Vous êtes un exemple de support, d’appartenance. Vous m’avez montré que le besoin de se sentir important est plus fort que tout autre besoin de base, même au delà de la faim et du froid. Quitter une maison vide d’affection même si elle est plus chaude que ta maison abandonnée dans un parc de la Quinta Normal.

Vous m’avez touché au coeur, vous êtes curieux, vous êtes affectueux. Vous êtes des battants, qui se battent encore pour la tribu, le groupe, le coeur de l’importance. Ça, nous on l’a perdu. Vous m’avez fait réalisé que c’est un choix, de le perdre ou non.

Je vous remercie d’avoir croisé ma route. Je n’étais pas là pour vous aider, j’y étais pour que vous, m’aidiez à ouvrir les yeux.

Un abrazo apretado,

 

Carmen.

  Ceci est une photo prise d’une photo qui était originalement une photo. Cet effet domino est aussi la base de ce moment magnifique partagé avec Carmen. Du haut de ses 36 ans, Carmen est d’une beauté naturelle et d’un humour qui fait du bien. 
Ensemble, on a beaucoup discuté de ce qui s’en vient pour elle. On a aussi discuté du chemin qu’elle a parcouru pour être là, enceinte de son 4ième comme si on lui avait imposé de subir un poids grandissant chaque jour. Ces photos sont le dernier domino d’un processus d’acceptation de cet enfant qui mérite une vie saine, avec amour et une maman présente. Carmen est une femme forte, mais cette fois ci son défi était de se laisser toucher par sa réalité, accepter l’enfant en elle.

Lazael naitra dans environ une semaine et je peux dire avec certitude qu’il est l’enfant d’un grand changement. 

Les photos de Carmen ont aussi été exposées lors du Festival de todos los artes. Avec sa grande ouverture, Carmen s’est donné la chance d’être vraie.

Être chez soi, ailleurs.

  C’est arrivé comme une pluie chilienne, d’un coup sans prévenir. Ce sentiment d’être en train de vivre ce que tu as construit et de te sentir chez toi dans un lieu qui était inconnu il y a de cela deux mois. 
Je suis émue de pouvoir dire qu’ici, j’ai vécu le côté obscur et le côté lumineux de la rue, et que finalement j’en garde qu’un sentiment de force et de considération. 

Je sens que j’ai ma place, comme si j’avais dessiné tranquillement ma place sur ce qui était qu’une page blanche. Une soirée de rue, un homme rampait sur le trottoir, il s’agissait de celui qu’on venait aider. Cet homme Mapuche m’a crié « blanca blanca!! » La première fois qu’il m’a vu; il déteste les blancs pour leur actions ravageuses auprès des natifs. Une semaine plus tard et avec de la persévérance, j’ai cultivé sa confiance. Aujourd’hui, j’ai vu les traces de ma couleur sur cette page vierge. Samuel, cet indien au coeur tendre allait lancer des roches à un autre usager (il est juste un peu agressif ;)). Je l’ai regardé en disant:  » Samuel, porfa, tranquilo! », il ouvre sa main pour laisser tomber sa prise. Je l’installe à un endroit (il est en chaise roulante) où il se sent bien; on jase, jcomprends le quart de son discours. Il est sans dent, chaud, marmonneux… Et chilien. La terre se cultive, il suffit de lui donner de l’amour comme elle en demande.

Je suis heureuse et comblée des regards, des « Christi », des sourires quand on nous voit arriver, des invitations qui débordent, des larmes qui montent aux yeux quand on nous parle de la couleur qu’on apporte à l’organisme. 

Ça, ça transforme. Mariposa 🙂 

La coopération à l’état pur.

Il y avait nous, les travailleurs, mais il y avait aussi Juan, ce jeune toxicomane de 28 ans. Tous ensemble, nous faisions la route pour alimenter les gens des communautés de la Pintana, de la Florida et de Macul. J’ai été touchée par ce jeune qui faisait tout pour aider son prochain, cette fois de l’autre côté du décor. Les mains à la pâte, il verse les cafés et transporte un homme handicapé, saoul et pas du monde!

À la fin de la soirée, satisfait, nous le ramenons à sa vie, à son « ruco » en pièces récupérés et à son dérivé de cocaine coupé avec je ne sais quoi. Il en prend depuis l’âge de 10 ans, ce n’est plus pour rire. 

Je vais me rappeler son sourire d’homme dégelé depuis douze heures, une belle victoire. Il avait aimé sa journée malgré le sevrage que ça demandait. On y notait une fierté et un bonheur sain. Une lumière s’est allumée. Je ne sais pas quand elle pourra éclairer son chemin, mais elle était là, vascillante. Il m’a confié son plus grand rêve qui est de fonder une famille. Dans sa grande lucidité, il m’a dit que c’est la rue ou son rêve, ce ne sera jamais les deux. 

Projet 4: La Ruta Calle Sur: La route social Sud. La vida de noche

  Ça y est, je suis habituée. Je me sens chez moi dans mon travail, dans ma famille et avec les gens que je rencontre. J’ai aussi réalisé que je me sens chez moi dans la rue. Pire encore, dans les rues chiliennes, de nuit. Ces parties de moi, peut- être cachées m’ont rentré dedans: j’ai besoin d’action et de grande intensité. 

La Ruta Sur donne des repas chauds aux gens vivant dans des « rucos », des maisons faites en cartons et des « escaliers faites en papiers 😉 ». Cela ne rime en rien avec une chanson pour enfant, je peux vous dire qu’on parle ici de besoin de base non comblés. C’est à ce moment qu’on constate qu’ils sont l’essentiel et qu’en tant que personne bien comblée, on se perd dans l’artifice.

Oui, la drogue, oui l’alcool. Oui, le cercle qui entoure cette merde aussi. La roue est si forte qu’elle se brise difficilement. Beaucoup d’hommes et de femmes se retrouvent sans toit, ils s’en créent un, en petite colonie et s’arrangent, au gré du vent. Ils fouillent dans les poubelles, en espérant trouver des choses à vendre. L’espérance ne se trouve pas dans les ordures, malheureusement. 

Par chance, notre camionnette est aussi présente pour donner un soupçon de lumière, d’idée pour penser plus loin que le coin de rue d’à coté.  

J’ai rencontré cette femme amérindienne tellement malade qu’elle a dû se faire hospitalisée. Elle dormait sur un matelas sur le coin d’une rue près de chez moi, ne se levait jamais. Même l’hopital n’avait rien pour l’habiller, son corps était aussi gros, peut être pour y contenir une si belle âme, et beaucoup de peine aussi. 
L’infirmière: – J’ai parlé à votre fille, elle sait que vous êtes ici.

Nanie: – Ohhhh.. Est ce qu’elle est fachée contre moi? Dit-elle, entre deux respirations quasi absentes.

Elle veut s’effacer du monde. On pouvait noter sa peur de déranger sa propre famille. Sa fille n’est pas venu à l’hopital, seulement une canadienne qu’elle a vu une fois avec un café.
Elle m’a sourit et m’a dit que j’étais belle. Je lui ai envoyé toute la lumière que j’ai pu. Sois grande, Nanie.

La mémoire des petites réussites

  En cette journée remplie de smog, j’ai les yeux qui piquent et le coeur un peu aussi. Il est parfois difficile de voir les couleurs lorsqu’on vit un sentiment d’inutilité. 

J’ai du me pencher sur les petites réussites que j’ai en mémoire de notre passage en terre chilienne jusqu’à maintenant. 

Mes souvenirs voguent rapidement, chaque jour est un voyage en soi. La plus grande force qu’on doit posséder c’est le recul et la perception du meilleur dans les petites choses.

23 juin: Aujourd’hui, j’ai proposé un projet photo de grossesse à une femme bien spéciale. Sa plus grande difficulté est d’accepter l’âme qui grandit en elle, le contexte peut être tellement confrontant.

En souriant, elle a accepté. Elle a fait ma journée. 

22 juin: – Depuis ton arrivée, Hernàn (mon papa) a changé complètement. Avant, il allait se coucher après avoir mangé! 
– moi: Quoi? Il est le plus sociable et discute à table chaque soir.
– Oui Christie, depuis ton arrivée c’est un nouvel homme. Tu nous permets le changement et la discussion.

16 juillet: 

Aujourd’hui, cette femme forte a passé la dernière étape de son processus. À 3 semaines d’accoucher, elle se met à nue devant la caméra pour se surpasser. Accepter cet enfant indésiré n’est pas chose facile.  

  

 

Projet 3: Retención escolar de los niños proche des montagnes :)

    Les couleurs chiliennes sont tatoués sur l’âme des gens. Pendant la Copa America, ils l’ont aussi sur la peau. Ces enfants de la Pincoya peuvent se rallier autour de la fierté de leur équipe et vivre une intensité partagée avec les autres. Je crois que c’est un point fort. Le point faible est que le Chili se cache la tête dans les potins sportifs, comme si les débats sociaux étaient envolés. C’est un hockey, avec plus de fêtes 🙂  Ces maisons sont situés en face du Centre, elles ont été construites par le gouvernement il y a deux ans. Des gens qui vivaient dans les campamientos y ont été relocalisés. Les jeunes fréquentant l’organisme y vivent en totalité.

  

*campamiento: un lieu fabriqué par les gens sans domicile. En groupe, ils occupent un terrain vaste public et y ont construit des maisons avec des matériaux de la rue. Un symptôme du neo-libéralisme et du capitalisme omniprésent?

  Les enfants m’ont permis d’accéder à eux par le rythme des bottes faites de sac de poubelles. Certains doivent gérer une grande impulsivité, mais ont quand même laissés leur coeur d’enfant danser pour  » viva Chile »! 

Projet 2: ateliers et rencontres avec de belles personnes en situation d’itinérance.

  

On peut dire une chose: on est tout-terrain. Ce matin-la, on attendait bravement les intervenants (et Soledad pour qui on avait une petite surprise de fete)  en tricotant gentiment. 

Cette semaine, ce fut un tour dans un monde différent. Nous avons apportés sandwichs et cafés à un groupes d’hommes entre 25 et 45 ans qui vivent la rue. Leur matelas monté sur le toit d’une boutique, ils nous rejoignent à quelques mètres de leur chez-soi, sur le coin de la rue. Des conversations profondes ont émergés de ces hommes qui ne peuvent tenir leur cafés tellement leur corps manque de substance. Cette petite bouteille d’alcool qui vaut 1 dollars a l’effet d’alcool désinfectante qui passe dans l’oesophage. Manger est donc un martyr, et attendre la prochaine gorgée encore pire. Ils nous ont fait confiance en nous ouvrant la porte de leur rue et de leur coeur à la fois. On leur a peut-être sauvé quelques minutes d’ébriété et changé de leur routine obscure. 

J’ai foi en la race humaine. Je pense qu’on a tous des buts différents. Nous avons convenu d’une partie de soccer ensemble avec plusieurs des filles du groupe, après le déjeuner, avant le reste. Nous semons des graines d’espoir et de différence et apprenons de la confiance qu’ils ont réussi a nous donner. 

C.